Ce que dit la Bible au sujet de la semence et de la lumière


La lumière est semée pour le juste, Et la joie pour ceux dont le coeur est droit. Psaume 97:11

La véritable lumière: En elle (laParole ou Jésus) était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue. Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. Elle est venue chez les siens, et les siens ne l'ont point reçue. Jean 1: 4 - 11
La bonne semence et l´ivraie: Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé une bonne semence dans son champ. Mais pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint, qui sema de l'ivraie parmi le blé, et s'en alla. Matthieu 13:24-25

Monday, December 28, 2015

Rendre visible l'invisible


Publié par Anne-Marie butiner.blogspot.com
Comment parler d’un Dieu invisible ?
David, Jean  définissent  Dieu comme la lumière
Ps 27 :1 De David. L’Eternel est ma lumière et mon salut : de qui aurais-je peur ?
1 jean 1 : 5 Voici le message que nous avons entendu de lui et que nous vous annonçons : Dieu est lumière et il n'y a pas de ténèbres en lui.
… avec des mots de notre réalité terrestre …oui mais comment allons nous matérialiser la lumière ? 

Comment ce Dieu invisible se révèle à sa création ?
JESUS sera  celui qui va révéler (faire connaitre) ce Dieu invisible
Jean 1: 18  Personne n'a jamais vu Dieu ; Dieu le Fils unique, qui est dans l’intimité du Père, est celui qui l'a fait connaître.
Souvenons-nous de ce que Jésus dit de lui
Jean 8 :12 Jésus leur parla de nouveau. Il dit : « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura au contraire la lumière de la vie. »
C’est  la lumière qui rend visible ce qui était invisible …Jésus va donc rendre Dieu visible aux hommes.

Comment ce Dieu invisible se révèle à sa création aujourd’hui ?
Maintenant Jésus  ne vit plus sur cette terre, parmi les hommes… Qui va prendre le relais ?
A la vue de ces foules, Jésus monta sur la montagne. Il s'assit et ses disciples s'approchèrent de lui.Puis il prit la parole pour les enseigner ; il dit : ...
Mathieu  5 : 14-16 Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une
montagne ne peut pas être cachée, et on n'allume pas non plus une lampe pour la mettre sous un seau, mais on la met sur son support et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que, de la même manière, votre lumière brille devant les hommes afin qu'ils voient votre belle manière d’agir et qu’ainsi ils célèbrent la gloire de votre Père céleste.
Depuis le départ de Jésus, c’est donc aux chrétiens qu’incombe ce mandat extraordinaire et « hyper –responsabilisant » : faire connaitre Dieu … révéler Dieu aux hommes. 
La lumière n’est pas visible par elle-même. Elle ne l’est que grâce aux surfaces qui la réfléchissent
Alors, nous  les chrétiens, nous sommes cette lumière qui va rendre visible ce Dieu invisible. 
La lumière repousse  les ténèbres… et non l’inverse. En fait, Les ténèbres prennent toute la place que la lumière n’occupe pas. On ne peut pas matérialiser les ténèbres … il faut toujours un peu de lumière pour mettre en évidence les ténèbres ….
Alors, nous  les chrétiens, notre mission n’est pas de lutter contre les ténèbres mais de faire luire notre lumière pour mettre en évidence ce qui est ténèbres ( ne nous trompons pas de mission !)  
Plus  il y a des lumières allumées, plus la lumière est puissante, plus on repousse les ténèbres …ces ensembles de lumières allumés nous parle de l’église.
 
Comment allons nous être une lumière pour nos contemporains ?
Eph 5:8-14 Car si autrefois vous étiez ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Conduisez-vous comme des enfants de lumière ! Le fruit de l’Esprit consiste en effet dans toute forme de bonté, de justice et de vérité. Discernez ce qui est agréable au Seigneur et ne participez pas aux œuvres stériles des ténèbres, mais démasquez-les plutôt. En effet, ce que ces hommes font en secret, il est même honteux d’en parler ;mais tout ce qui est démasqué par la lumière apparaît clairement, car tout ce qui apparaît ainsi est lumière.

Rendre visible pour nos contemporains ce Dieu invisible ….voila la mission que Jésus a laissé aux chrétiens sur cette terre. 

Saturday, December 26, 2015

MONDOVISION. En Afrique du Sud et au Brésil, la révolte des classes moyennes

En Afrique du Sud et au Brésil, les dirigeants élus sont contestés par les bénéficiaires de l'essor économique, qui réclament une meilleure gouvernance et la fin de la corruption.
Des Brésiliens ont manifesté dans plusieurs villes du pays contre la présidente de gauche Dilma Rousseff, dimanche 13 décembre. (Vanessa Carvalho/Pacific /SIPA)Des Brésiliens ont manifesté dans plusieurs villes du pays contre la présidente de gauche Dilma Rousseff, dimanche 13 décembre. (Vanessa Carvalho/Pacific /SIPA)



Loin des convulsions moyen-orientales qui sont au centre des attentions, deux pays importants traversent des périodes agitées révélatrices de l’état du monde : l’Afrique du Sud et le Brésil. Dans les deux cas, les dirigeants élus sont contestés, non pas par les plus pauvres de leurs concitoyens, les exclus de la croissance de la dernière période, mais par les bénéficiaires de cet essor économique, qui réclament une meilleure gouvernance, la fin de la corruption. Cette révolte des nouvelles classes moyennes en ce début de XXIe siècle constitue une donnée politique majeure dans des pays qui connaissent, par ailleurs, de profondes inégalités sociales et des luttes politiques enracinées dans les clivages idéologiques du XXe siècle.
En Afrique du Sud, tout a commencé par un mouvement culturel autour de la statue de Cecil Rhodes, le symbole du colonialisme britannique, dont les étudiants du Cap ont obtenu le déboulonnage au printemps dernier ; puis la contestation s’est poursuivie avec des manifestations de masse contre la hausse du montant des droits universitaires à l’automne.

C’est aujourd’hui un mouvement de contestation du pouvoir erratique du président Jacob Zuma, y compris au sein de son propre parti, le Congrès national africain (ANC), après une période de grande confusion politique qui a vu trois ministres des Finances se succéder en une semaine, et l’économie sud-africaine plonger. Le 16 décembre, d’importantes manifestations ont eu lieu sous le mot d’ordre #ZumaMustFall, "Zuma doit tomber". Les manifestants ne venaient pas des townships noirs ou métis, mais des quartiers résidentiels, Blancs et Noirs mélangés.

Des évolutions inabouties 

Au Brésil, la contestation dure depuis plus longtemps encore, et menace aujourd’hui directement la présidente Dilma Rousseff, cette ancienne prisonnière politique de l’époque de la dictature, qui a pris la suite du très populaire Lula à la tête de la première puissance économique d’Amérique latine. "Dilma", comme l’appellent les Brésiliens, se voit reprocher une mauvaise gestion : l’économie brésilienne est passée de 7,5% de croissance en 2010 à une profonde récession cette année.
Mais surtout la présidente est menacée de destitution en raison d’un immense scandale de corruption parti de la compagnie pétrolière nationale, qui éclabousse son entourage immédiat ; elle est aussi accusée d’avoir maquillé les comptes de l’Etat pour faciliter sa réélection l’an dernier. Au "Zuma must fall" d’Afrique du Sud fait écho le "Fora Dilma" ("Dilma dehors") du Brésil.

Ces deux pays sont en partie victimes de leurs succès relatifs, tant du point de vue de la démocratisation, qui permet la contestation politique, que de celui de la transformation sociale, avec l’émergence de classes moyennes, inexistantes il y a deux ou trois décennies. Mais ces évolutions sont inabouties, ce qui suscite d’importantes frustrations, sur le plan des inégalités – Thomas Piketty se trouvait récemment en Afrique du Sud pour une conférence très suivie sur ce thème – comme de la qualité de la gouvernance.
Ces convulsions géographiquement éloignées ne sont pas sans conséquences géopolitiques. Les deux nations font partie des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), ce nouvel ensemble de pays émergents qui a semblé un temps incarner une relève, avant de s’essouffler. Symboliquement la banque d’affaires Goldman Sachs, qui avait inventé en 2001 le concept de "Bric" (alors sans l’Afrique du Sud) avant que la "prophétie" ne devienne réalité, vient de fermer son fonds d’investissement du même nom. Fin d’une époque.
Pierre Haski

Saturday, December 19, 2015

Israël: 3 blessés dans deux attaques au couteau à Raanana (centre)

Ambulance Magen David Adom

Deux personnes ont été poignardées dans la rue et une troisième a été blessée dans son appartement
Trois personnes ont été blessées samedi après-midi dans une attaque au couteau à Raanana (centre d'Israël), le terroriste palestinien a été abattu.

Les blessés ont été pris en charge par les services de secours du Magen David Adom et évacués vers le centre médical Méir (hôpital) de Kfar Saba; l'un d'entre eux est dans un état grave, les deux autres dans un état léger.

Selon les premiers rapports, le terroriste a poignardé un homme et une femme d'une quarantaine d'années rue Anilovitch, puis il est entré dans un immeuble et a blessé un autre homme.

Saturday, December 12, 2015

Hna - Oum - Musique marocaine


La prière - Anglais et Italien


The Prayer - David Archuleta & Nathan Pacheco

#ASaviorIsBorn

Posted by David Archuleta on Wednesday, December 9, 2015

Friday, December 11, 2015

ETATS-UNIS. Qui parviendra à détrôner Donald Trump ?


Certainement pas Jeb Bush, dans les choux. Visiblement pas Ben Carson, qui a dévissé. Reste deux hommes : le texan Ted Cruz et le floridien Marco Rubio.


Donald Trump, candidat à la primaire des républicains, en meeting à Mt. Pleasant, le 7 décembre 2015. (Mic Smith/AP/SIPA) 
Donald Trump, candidat à la primaire des républicains, en meeting à Mt. Pleasant, le 7 décembre 2015. (Mic Smith/AP/SIPA)


Cinq mois plus tard, le clown est toujours là. Il peut sortir des énormités -dernièrement, il a suggéré de bloquer les musulmans aux frontières, une proposition parfaitement "antiaméricaine" - sans que cela ne semble entamer son niveau dans les sondages. Et la seule Baudruche qui s’est dégonflée, c’est Jeb Bush.
 
La course des primaires commence en février, et dans les rangs républicains, c’est l’affolement. Comment bloquer ce dingo de Trump, qui n’a aucun problème d’argent (il est multimilliardaire), aucun scrupule, aucun tabou, aucun surmoi. Le cheval de bataille qu’il a enfourché –le rejet de l’immigration – fait un carton auprès des classes populaires et moyennes américaines. Des Américains qui reprochent au "big business" de recourir à une main d’œuvre bon marché, via le libre-échange et via l’immigration, afin de maintenir les salaires à de bas niveaux. Trump a su saisir cette vague, comme d'autres l'ont fait avant lui en Europe :  Marine Le Pen en France,  Nigel Farage en Grande Bretagne, Geert Wilders aux Pays Bas..
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Après les derniers propos de Trump sur les musulmans, de nouveaux ténors républicains ont réagi sévèrement, du Speaker de la chambre des représentants, Paul Ryan (qui, de par sa fonction, n’est pas censé prendre parti dans la campagne) à l’ancien vice-président Dick Cheney, en passant par le président du parti,  Reince Priebus, qui a invoqué les "valeurs américaines".

Mais les républicains sont embarrassés : sur quel candidat miser ? Quatre rivaux potentiels se sont détachés du lot dans les sondages, mais jusque-là, aucun n'a réussi à détrôner Donald : Jeb Bush, Ben Carson, Ted Cruz, Marco Rubio.  

Les sondages côté républicains

(Les chiffres qui suivent sont des moyennes des intentions de vote des républicains, selon divers instituts de sondages, calculées par RealClearPolitics.)

 

 

 

 

Bush, 3,8% des intentions de vote :  dans les choux


Jeb Bush, 62 ans, ex-gouverneur de Floride, avait décollé au début de l’été pour atteindre 17% des intentions de vote. Puis le soufflé est retombé et il stagne autour de 4%, dans le cimetière des mini-candidats (John Kasich, Rand Paul, Carly Fiorina, Chris Christie, Mike Huckabee....). Il espère encore rebondir, fort de ses fonds de campagne importants. 
Jeb Bush paye le prix de la modération, notamment sur l'immigration (sa femme est hispanique et qu'il s'est converti au catholicisme). Une campagne des primaires se gagne rarement au centre : il faut cibler les militants, les galvaniser. Bush n'a pas su le faire.

Carson 13,8%  : une flambée puis la chute


Ben Carson, 64 ans, a lui aussi eu sa chance. Sa cote de popularité même presque rattrapé celle de Trump (24,4% contre 24,8%) début novembre. Les électeurs semblaient apprécier le fait qu’il ne s’agisse pas d’un politicien, sa voix douce, et ses jugements à l’emporte-pièce ("Obamacare est la pire chose depuis l’esclavage", "la capacité d’Hitler à accomplir ses buts aurait été diminuée si les gens avaient été armés"…).
Mais la presse a révélé qu’il avait enjolivé sa biographie : à l’écouter, il était jadis un garçon très violent, avant de rencontrer Dieu et de se sortir, à la seule force de sa volonté, de sa condition de noir des quartiers de Detroit. Or personne, parmi ses anciens condisciples, ne se souvient de sa supposée violence : ils évoquent un étudiant sérieux, gentil, un peu nerd et binoclard

Cruz, 15,5% : le texan très droitier


Aujourd’hui, c’est Ted Cruz, 44 ans, qui tient la corde. Il est, certes loin derrière Trump au niveau national (15,5% contre 29,3%) mais dans un sondage réalisé dans l’Iowa, l’Etat où se déroule traditionnellement la première primaire, il dépasse Trump. C’est un avocat, sénateur du Texas depuis 2013, représentant de la droite dure, ce qui est plutôt un atout dans une primaire républicaine. Il a levé beaucoup d'argent pour sa campagne.Il pousse des idées assez extravagantes, comme la fermeture de l’administration fiscale et le retour à l’étalon or. Il est ouvertement climatosceptique. Bref, c'est une sorte de Trump un peu plus présentable.

Rubio, 14,8% : le chouchou de l'establishment


Marco Rubio, sénateur de Floride, âgé lui aussi de 44 ans, est le chouchou de l'establishment républicain. Jeb Bush ne réussissant pas à décoller, c'est son ex-disciple qui a pris sa place dans le coeur des responsables du "Grand Old Party". Dans les sondages il est désormais crédité en moyenne de 14,8% des intentions de vote.

Il se présente comme le candidat du renouvellement des générations. Il est d'origine modeste : le plus jeune d'une famille catholique,  d'origine cubaine, de trois enfants, dont le père était barman et la mère caissière et femme de ménage. Structuré, ayant réponse à tout, il propose une réforme fiscale "favorable à la famille" et l’augmentation des dépenses militaires. Il est, enfin, très pro-guns et ultra anti-avortement (même dans les cas de viol et d'inceste). Le candidat parfait aux yeux des responsables du parti Républicains, qui ont fermé les yeux sur ses écarts financiers passés (il a même utilisé la carte de crédit du parti pour des dépenses personnelles...). S'il était élu président, ce serait le premier hispanique à occuper le bureau ovale.

Rubio est le favori des parieurs

Selon le "Political Prediction Market" de CNN, un outil basé sur des paris en ligne, Trump ne sera pas élu. Il a chuté de "33% de chance d'être élu" à "22%" après ses remarques sur les musulmans. C'est Rubio qui est en tête de ce baromètre prédictif, avec 40% de chances de gagner, devant Cruz (26%). Visiblement, les parieurs s'attendent à ce que les dirigeants du parti républicain finissent par museler le chien fou qui s'est invité dans leur jeu de quilles.  
 Le baromètre prédictif de CNN

Thursday, December 10, 2015

"Marine... qu’est-ce qu’on risque à l’essayer ?" : Paroles de néolepénistes

Réaffiché de  tempsreel.nouvelobs.com/ 
Ils n’avaient jamais voté FN avant cette année ou s’apprêtent à le faire pour la première fois. "L’Obs" a réuni 12 nouveaux électeurs de Marine Le Pen et leur a laissé la parole. Edifiant.Marine Le Pen est candidate à la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. (Lionel Cironneau/AP/SIPA) 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Marine Le Pen est candidate à la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. (Lionel Cironneau/AP/SIPA)
(Cet article a été publié le 4 décembre, avant le premier tour des élections régionales)
Ils sont venus, ils sont tous là, et ne se connaissent pas. Huit hommes et quatre femmes. La plus jeune, Lucie, a 32 ans, le plus âgé, Yves, 60. Les autres s’appellent Fabrice, Eric, Laurence, Lionel, Carole, Alban, ou encore Pascal, Caroline, Baptiste et Bertrand. Des Français comme les autres, ordinaires. "Moyens", résume une formule qui sonne toujours un peu étrangement.

Bertrand est fonctionnaire territorial, Alban prof d’espagnol, Eric et Lucie graphistes, Pascal électricien, bref, des employés ou des cadres intermédiaires qui tous habitent en Ile-de-France, en petite ou en grande banlieue, dans des communes populaires comme Saint-Ouen, Clichy, Créteil ou Franconville, ou plus aisées et résidentielles telles que Levallois, Courbevoie, Louveciennes ou Bougival.

Mais leur vrai point commun est ailleurs : tous sont fans de Marine Le Pen, sans savoir que leurs comparses de cette matinée d’automne partagent le même penchant. Plus précisément, ce sont des néolepénistes : certains ont voté pour la première fois de leur vie pour le Front national aux départementales de mars dernier, les autres s’apprêtent à franchir le pas pour rallier l’extrême droite aux régionales dimanche prochain.
Neuf des 12 nouveaux électeurs du FN reçus à "l'Obs" le 21 novembre. (Bruno Coutier pour "l'Obs")
Bref, un échantillon de nouveaux convertis au FN, une espèce d’électeurs de plus en plus répandue, venus pour les uns de la droite, mais aussi, pour d’autres, de la gauche. Qu’est-ce qui les a décidés à basculer vers le FN ? Pourquoi sont-ils séduits par Marine Le Pen ? Rêvent-ils de la voir s’installer à l’Elysée ? Qu’espèrent-ils ? Que redoutent-ils ? Sélectionnés par l’institut Ipsos, ils ont accepté de venir dialoguer au siège de "l’Obs".

Des uniformes, des képis, du treillis

Pendant plus de deux heures, déçus pas la droite, fâchés contre la gauche, ils ont parlé des "musulmans", tout le temps, des "étrangers", beaucoup, de "la France qui va mal", souvent. Ils se sont livrés franchement, sans aucun complexe. D’emblée, leur carburant, le moteur de leurs sentiments, celui qui les jette dans les bras de Marine Le Pen s’est dévoilé : la peur. Tout le temps, partout.
Comme sur cette place de la Bourse où ils arrivent un à un ce samedi 21 novembre en fin de matinée. Comme tous les week-ends, l’endroit est désert. Pas âme qui vive. Et donc pas de policiers non plus. Caroline, 50 ans, comptable à la Défense, s'affole :
En venant, je n’en ai pas vu. Vous vous rendez compte ? C’est incroyable ! On n’est pas protégés…"
Beaucoup abondent : une semaine après les attentats, ils veulent voir des uniformes, des képis, du treillis, dans les transports, les grands magasins, à tous les coins de rue.
Fini "l’effet Charlie", la tragédie du 13 novembre n’a pas eu le même impact que les attentats de janvier. Cette fois, ce n’étaient ni des journalistes, ni des juifs, ni des policiers mais M. Tout-le-Monde qui était visé. "Et ça, ça change tout", balance d’entrée Fabrice, 50 ans, fonctionnaire.
Cette fois, ça pouvait être nous. Moi, franchement, je n’aurais jamais pensé que ça puisse arriver à Paris. Des choses comme ça, on peut en voir à Bagdad, ou au Liban…"
Sa voix tremble un peu, mais Carole s’épanche volontiers pour évacuer le poids qu’elle ressent au quotidien : "Moi, j’ai la trouille, dit cette femme de 46 ans qui travaille dans le BTP. J’ai deux grands enfants qui sont partis de la maison et ça fait une semaine que je ne vis plus… Je ne peux pas les empêcher de sortir. Ma fille, je lui dis : 'Tu m’appelles quand tu sors, tu m’appelles quand tu rentres', et quand elle me dit : 'Maman, gare du Nord, c’est pas sécurisé', je vous dis pas la journée que je passe…"

"Ils le savaient, ils n’ont rien fait"

Cette peur, plus encore depuis le 13 novembre, elle a pour eux un visage, celui du musulman. Lucie, graphiste de 32 ans, brune et menue, raconte : 
Avant-hier, j’étais dans le métro et il y avait une jeune femme avec un niqab et son coran en face de moi dans le métro.

Je me disais : 'Elle peut dissimuler plein d’explosifs et faire sauter toute une rame.' Je me suis fait le film de ma vie, j’ai eu super peur."
Face à cette angoisse, que pèse la réaction martiale de l’exécutif ? L’annonce d’une batterie de mesures sécuritaires ? La mise en place de l’état d’urgence ? Pas bien lourd… Au fond, rien ne les rassure. De la peur, ils basculent vite dans la colère. Une question revient en boucle : "Pourquoi ils l’ont pas fait plus tôt, après 'Charlie Hebdo' ?" demande Pascal. 
Ils le savaient, ils n’ont rien fait … Avec son toutou de Valls et le ministre de l’Intérieur qui fait des gros yeux pour faire peur, Hollande tape du poing sur la table, mais ça va durer 15 jours, trois semaines, et après tout va redevenir normal."
Les noms des ministres échauffent l’assemblée. L’échange tourne au jeu de massacre. Avec quelques cibles favorites. Laurence, 48 ans, balance :
Belkacem, elle a la double nationalité alors je suis désolée, mais elle n’a rien à faire au gouvernement !

Elle représente la France, moi, ça me choque ! A ce moment-là, elle n’a qu’à prendre la nationalité française. Taubira, c’est pareil !"
Pascal enchaîne : "Il y a une autre ministre qui est arrivée il n’y a pas très longtemps…" "C’est un nom imprononçable, dit son voisin. Euh, Khomri… Qu’est-ce qu’elle fout là ?" Fabrice : "Pourquoi on la met pas à la diversité ?" Le décor politique est posé, le casting du gouvernement, laminé. A gauche, le seul à limiter les dégâts, c’est Emmanuel Macron, "parce qu’il fait bouger les choses", dit Laurence. "Il n’est pas dans l’idéologie", glisse Alban, un prof d’espagnol de 46 ans qui jadis votait socialiste.
"Les musulmans donnent des prénoms à  coucher dehors à leurs gosses" - Alban, professeur d'espagnol. (Bruno Coutier pour "l'Obs")
Mais la seule évocation du nom de François Hollande déclenche un déchaînement de quolibets et de haut-le-cœur. "Il n’est même pas crédible. On dirait des guignols, s’énerve Carole d’une voix forte. Daech, il dit 'Dach'. Moi, j’étais pétée de rire, j’ai dit : 'Bon allez, arrête, c’est bon, rentre chez toi !'" "Déjà, c’est pas lui qui fait les discours, la coupe Pascal, d’un ton très sûr de lui. Il lit simplement ce qu’on lui dit." "C’est quelqu’un qui a la capacité d’être maire d’une commune en Corrèze, c’est tout", rigole Lucie. Carole reprend :
Moi, je l’ai écrit sur Facebook, Hollande, il est comme Bush, il a du sang sur les mains. Il savait qu’il y avait une menace, depuis 'Charlie Hebdo'. Il fallait prendre des mesures, mais non, il vaut mieux être en scooter ou aller se pavaner…"
"On ne protège pas nos frontières non plus, s’indigne Laurence. "C’est ouvert à tout-va, tous les migrants, ils rentrent !"

Les migrants, le niqab et les terroristes 

Terroristes-migrants, il n’a fallu que quelques minutes pour que le lien s’impose. Solide. Incontournable. Caroline en voit la preuve défiler sur son écran de télévision : "On me dit 'c’est la guerre là-bas', mais quand c’est la guerre, c’est les femmes et les enfants qui partent en premier. Là, il n’y a que des hommes qui arrivent. Moi, ce que j’ai toujours dit, c’est l’armée de Daech qui est rentrée ! Ils sont là, on ne les entend plus et on ne sait plus où ils sont…" Pascal demande :
D’ailleurs, pourquoi les migrants ne sont pas allés au Qatar ou en Arabie saoudite ? demande Pascal. Il y a anguille sous roche…"
Yves, la soixantaine dégarnie, la voix douce, interroge : "Les migrants, s’ils ne sont pas déjà terroristes, qu’est-ce qui prouve qu’ils ne vont pas le devenir ? Ils arrivent en Europe sans moyens, sans rien. Ils vont se retrouver dans le froid, sans boulot, sans que dalle, ils vont être manœuvrés…" Tout à coup, il s’énerve :
D’ailleurs, les migrants, c’est d’abord des déserteurs. Non seulement ils migrent chez nous mais en plus, on est obligés d’aller combattre Daech à leur place !"
Aux yeux de Lucie, le problème est plus grave, et surtout plus ancien : "Il y a beaucoup de terroristes qui sont français, c’est la France qui a fabriqué ses propres monstres et ça, ça fait longtemps ! Déjà, lors de l’élection de Hollande, on voyait des drapeaux de l’Algérie et des gens qui brûlaient des drapeaux français." Lucie vit désormais à Levallois. Elle est "hyper contente" d’avoir quitté Aubervilliers où elle a grandi à la fin des années 1980 : "Je me dis que dans les caves des cités où j’ai pu me promener, ça doit être pourri, plein de gens comme ça ! On récolte ce qu’on a semé…" Pascal intervient :
Le niqab, il avait été dit que dans les lieux publics c’était interdit, mais elles sont toujours là. On laisse faire !"
Yves a une explication : "On dit même à la police de faire semblant de ne pas les voir." Laurence habite près d’Argenteuil et ne supporte plus de croiser des femmes voilées : "Elles conduisent dans des super bagnoles, des Renault Scénic. On voit que leurs yeux. Et en plus, elles sont avec leur téléphone portable en même temps…"

"On n’a pas les mêmes valeurs"

Chacun se met alors à citer une anecdote vécue, ou rapportée, réelle ou fantasmée, pour illustrer son ras-le-bol. "Moi, j’ai une collègue de travail qui vit à Eragny, dans le 95, raconte Laurence. Elle a un petit garçon de 5 ans. Un soir, il rentre de l’école et il lui parle d’un copain en disant 'c’est mon frère' alors qu’il est fils unique. Sa mère était étonnée. Elle lui demande : 'C’est ton frère ?' Le petit répond : 'Oui, c’est mon frère, on est tous frères !' Je n’en revenais pas, soupire Laurence. Ce n’étaient pas des Français mais des petits Blacks ou des petits musulmans, des petits garçons de 5 ans, on leur dit : 'Vous êtes tous frères', vous vous rendez compte ?" Qu’y a-t-il de choquant à ce qu’un écolier considère son copain de classe comme un "frère" ? Silence. Laurence tombe des nues :
Bah non, on n’est pas frères ! On n’a pas la même religion, on n’a pas les mêmes valeurs."
Tous ont le sentiment d’être assiégés par l’islam et abandonnés par les politiques. La droite, la gauche, tous les mêmes ! Les deux camps se succèdent au pouvoir et tout va de mal en pis – "plus d’immigrés, plus d’impôts et moins de sécurité" –, c’est ce constat commun qui les fait basculer au FN. Un temps, le verbe de Sarkozy les avait séduits. Mais l’action n’a pas suivi. Pascal glisse :
Sarkozy a bien fait de dire qu’il fallait 'nettoyer les banlieues au Kärcher', mais on ne l’a pas fait assez."
"En 2005, il y a eu trois semaines d’émeutes dans les banlieues et le gouvernement ne veut pas que ça recommence, croit savoir Fabrice. Alors, on ne peut pas actionner tous les leviers…" Carole sort de ses gonds : "Mais on ne peut pas se laisser faire non plus !" Et elle dégaine son morceau de vie à elle : "Ma deuxième fille va avoir 12 ans, je lui ai acheté un tee-shirt avec une croix dessus, je n’ai pas fait gaffe. Elle s’est fait taper dessus à l’école : 'T’es qu’une sale chrétienne' et tout ça… Pourquoi ? J’ai été voir la directrice, elle m’a dit : 'Il faut laisser les enfants s’amuser.' Et elle m'a dit : 'Madame, qu’elle ne mette plus le tee-shirt…'"
Pendant la campagne présidentielle de 2012, la patronne du FN fustige le port du niqab. (IBO / SIPA)
Pascal est outré : "Et ça, est-ce qu’elle va aller le dire à celles qui portent le voile ?" Brouhaha autour de la table. On lève les yeux au ciel, on partage colère et indignation. Laurence assène le coup de grâce : 
Il y a des écoles où on ne confectionne plus de cadeaux pour la Fête des Pères et la Fête des Mères parce que c’est des fêtes catholiques, ce n’est pas musulman…"
"Et puis il y a plein d’écoles où il n’y a pas de sapin. Va expliquer à ton enfant pourquoi il n’y a pas de sapin à l’école", s’étrangle Carole, les yeux embués.

"La France, tu l’aimes ou tu la quittes !"

"Cette semaine, j’ai failli jeter ma télé par la fenêtre, renchérit sa voisine, Caroline, quand j’ai entendu M. Mélenchon dire qu’on n’avait pas à être fiers d’être français, qu’on n’avait presque pas de mérite à être nés français !" "Quoi ?" "Excusez-nous d’être français ! On ne voit que les Arabes, les juifs, mais nous on fait quoi, on est où ?" Lucie tique : "Mais les juifs sont français…" Caroline : "Oui, bon, d’accord, mais il y en a qui se promènent avec leur chaîne, leur croix, leur étoile, tout ça, c’est pas la peine de provoquer !" Lucie persiste : "Il y a une différence entre se promener avec une chaîne qui nous est chère et porter le voile."
Oui, enfin en attendant, on a l’impression que nous, on n’existe plus. On nous dit de ne pas faire d’amalgame, mais nous, on ne provoque pas…"
Lionel n’a rien dit depuis 35 minutes. Lorsque vient son tour de parler, c’est comme une libération. Né en Corée il y a 39 ans, il n’est arrivé en France qu’il y a une douzaine d’années et va droit au but :
Pour moi, en France, en Europe et dans le monde, le problème numéro un, c’est l’islam. Je suis islamophobe au sens étymologique du terme, j’ai peur de l’islam, comme des millions de gens."
Lionel reprend son souffle, le débit est saccadé, régulier, inarrêtable : "Je ne supporte plus trop qu’on me dise et redise depuis des lustres de ne pas faire d’amalgame entre les musulmans modérés et les djihadistes… Certes les musulmans modérés ne sont pas salafistes voire djihadistes, mais tous les salafistes et djihadistes sont musulmans. Les musulmans posent plus de problèmes que les juifs, les catholiques et les protestants aujourd’hui dans le monde. Il faut refuser le déni de réalité."
Toute la tablée retient son souffle et boit ses paroles. Lionel continue son prêche : "Les musulmans y compris modérés sont un problème. Ils sont vite radicaux. Ils veulent du halal, du voile de la crèche à la maison de retraite. Ils veulent tout, partout et tout de suite. Alors que si nous on va au Maghreb, on n’a rien, pas de commerces de porc et pas d’église catholique. C’est donnant-donnant." Il poursuit : 
Ceux qui ne comprennent pas qu’en France on parle français, que l’on ne porte pas le voile et que tout est bon dans le cochon, ils n’ont pas vocation à rester en France !"
Pascal applaudit. Quelques "bravo" fusent. Lionel, qui se veut "laïque et anticlérical", dégaine un slogan historique du FN des années 1980, repris par Nicolas Sarkozy en 2006, "la France, tu l’aimes ou tu la quittes !", et conclut son homélie : "Ils se croient tout permis et ils pensent que tout leur est dû. Et dès que l’on critique un minimum, on est tout de suite taxé de xénophobie et d’islamophobie, mais non !" Il ajoute :
C’est à eux de s’adapter à nous et pas l’inverse. L’islam, c’est la religion la plus réactionnaire, liberticide qui soit. C’est d’une intolérance monstre. C’est une religion que je ne supporte plus !"

"Les musulmans font du prosélytisme"

En quatre minutes, d’une traite, Lionel a fait grimper la tension d’un échelon. Il remporte l’assentiment général. Pascal ajoute : "Ce qui est bizarre, c’est qu’après les attentats, on fait des découvertes de caches d’armes, de drogue, de tout ce qu’on veut en pagaille, ça veut dire que la France est un nid de terroristes. Alors je sais bien que puisqu’ils sont nés en France, ils sont français, mais quand on entend leur nom, ça fait peur !"
"Excusez-nous d'être français ! On ne voit que les Arabes, les juifs, mais nous ont fait quoi, on est où ?" - Caroline, comptable. (Bruno Coutier pour "l'Obs")
Lucie  le coupe : "Il y a aussi des vrais Français, enfin… des Français de souche qui se convertissent et partent en Syrie." Pascal : "Oui, alors là, je voudrais bien savoir ce qu’on leur dit dans les mosquées ! A partir du moment où ils partent là-bas et veulent tuer des Français, ils ne sont plus français." D’ailleurs, Yves en est convaincu :
On veut bien le 'pas d’amalgame' et tout ce qu’on veut… Mais si un jour il y a un conflit, un vrai, le musulman français choisira toujours sa religion, ça c’est clair".
Laurence revient à la charge : "Oui, on ne devrait pas leur donner la nationalité tant qu’ils ne parlent pas le français ! Ils sont mariés, ont trois femmes, 50 enfants et touchent la Sécu et nous on nous prélève des cotisations pour payer les allocations qu’on leur verse." Eric s'alarme :
Là, on entend des Abdou machin…, mais un jour ce sera peut-être un Patrick ou un Cédric qui se fera sauter dans le métro."
Pour Alban, le problème est simple : "Les musulmans font du prosélytisme. Alors que les Asiatiques, les juifs, quand ils arrivent en France…" Lucie, sa voisine, tique, mais ne dit rien. Alban reprend : "Eh bien quand ils arrivent chez nous, ceux-là, ils donnent des prénoms français à leurs enfants. Les Asiatiques, ils ont toujours une fille qui s’appelle France en hommage au pays. Les musulmans donnent des prénoms à coucher dehors à leurs gosses. Y a qu’à voir le prénom des terroristes, quand on s’appelle Abdeloud je sais pas quoi, c’est plus dur de s’intégrer !"
Yves  relève que "même les Asiatiques s’intègrent. Le seul problème qu’on a, c’est avec les musulmans, il faut voir les choses en face, c’est une religion incompatible avec la démocratie". "On aimerait bien savoir combien il y a de musulmans présents en France, on n’arrive pas à avoir les chiffres exacts", s’inquiète Fabrice. "Les chiffres sont fantaisistes, ajoute Yves. Dans le métro, on voit neuf nationalités différentes avant de croiser un Européen." Fabrice soupire :
Tu vas gare du Nord, tu prends la vérité en pleine face, c’est affolant."
Carole  raconte que quand elle était "gamine à Aubervilliers, il n’y avait pas de souci. Maintenant, c’est une zone de non-droit. Il s’est bien passé quelque chose. Moi au lycée, il y avait des Blacks, des Marocains, ma meilleure amie au lycée était juive, jamais un problème". Lucie bondit : "Ce n’est pas les juifs qui foutent la merde !" Pour Fabrice, ce problème d’intégration concerne les jeunes générations :
Mon voisin, Farid, il est normal, toujours habillé comme nous, en jean. Mais ses quatre enfants partent dans un système religieux. Pourquoi ?"
"Quand les parents sont venus travailler, ils n’avaient pas le temps de faire de politique, répond Alban. Les enfants, on leur a inculqué la haine de la France, on leur a dit : 'Tes parents on les a exploités, on a torturé les tiens.' Ils ne se sentent pas français, et en plus ils ont de ces noms…" Eric acquiesce : "Tout ça, c’est une affaire d’éducation."

"Marine, elle écoute la détresse des gens"

Il regrette qu’on n’ait "jamais appliqué la suppression des allocs, ce truc génial pour sanctionner les parents", et répète à son tour le slogan  "la France, tu l’aimes ou tu la quittes".
Si on n’aime pas la France, on se casse en Islam ou dans un autre pays, où la merde est tolérée. Ici, il ne faut pas qu’elle soit tolérable ni tolérée. Voilà !"
Contre le terrorisme, Yves a la solution : "Commençons par supprimer le droit du sol !" "Ça, c’est dans le programme de Marine Le Pen", fait remarquer Fabrice. Aux yeux de l’assistance, la présidente du FN s’impose naturellement comme la seule alternative possible.
D’un ton posé, Baptiste, jeune homme discret de 33 ans et ancien électeur socialiste, juge "écœurants tous les gens qui ont gouverné, que ce soit Hollande, Sarkozy, même Chirac". "Depuis 30 ans, poursuit-il d’une voix timide, les gouvernements se succèdent, gauche, droite, et il n’y a rien qui change. On paie toujours plus d’impôts. C’est un peu lamentable."
Le défilé traditionnel du parti, le 1er mai dernier à Paris. (Thomas Samson / AFP)
"Ils naviguent à vue", ajoute Alban, qui s’en prend aux "vieux réflexes de gauche, la fameuse culture de l’excuse : malgré ce qui s’est passé le 13 novembre, on entend encore des gens dire : 'Les pauvres mecs de banlieue, ils n’ont pas de chance…' Pour Marc Dutroux ou pour les tueurs pédophiles, on ne dit pas : 'Oui, ce sont des orphelins, ils ont souffert…'" Marine Le Pen, pour ces nouveaux électeurs, incarne l’inverse. "Elle a des couilles et elle n’a pas peur", balance Eric. Baptiste ajoute :
A la différence des autres politiciens qu’on voit tout le temps changer d’avis, elle, on a l’impression qu’elle est convaincue de ce qu’elle dit."
"Et elle peut venir toute seule sur un plateau, s’enflamme Eric. 'L’autre', il va venir avec Taubira, Valls, tout ça, à deux, à trois, et elle s’en sortira très bien." "Ce qui la différencie des autres, reprend Alban, c’est qu’elle ose dire les choses. Quand un musulman fait une connerie, elle ne va pas dire 'c’est un jeune Français', elle n’utilise pas de périphrase, elle n’a pas peur d’être taxée de racisme. C’est rafraîchissant."
Et puis Carole a "l’impression qu’elle s’occupe vraiment des problèmes. Marine, dans le Nord, elle écoute la détresse des gens. Les pauvres bouchers-charcutiers qui se font casser leurs boutiques, personne ne s’occupe d’eux, elle, elle y va ! Elle prend nos problèmes à bras-le-corps : fermer les frontières, oui c’est ça ce qu’on attend ! Il faut arrêter de jouer les bons samaritains, de mettre les aides sociales… et nous on est obligés de travailler combien d’heures par mois et on n’a jamais rien ! ?" Attention, pour autant, Eric en est sûr :
Marine Le Pen n’est pas raciste."
Tous approuvent : "Non, non, elle ne l’est pas du tout." La preuve, elle parle "sans s’énerver". Et puis "elle a bien pris sur elle pour se recentrer et ne plus être extrême comme l’était son père". L’éviction de Jean-Marie Le Pen fait l’unanimité. Pas un pour regretter le vieux chef de l’extrême droite, tous se réjouissent que la fille se soit débarrassée du père qui "avait bien foutu la merde", selon Eric.

"Un parti de droite forte"

Au fond, ce qui libère les nouveaux supporters de "Marine", c’est qu’ils ont le sentiment que leur héroïne est devenue à la mode. Et donc, eux aussi. Enfin. "Tout le monde finit par adopter ses idées, y compris la gauche", se félicite Yves.
A une époque, on parlait de baguette, pain beurre et béret sur la tête, on passait pour un gros beauf de droite.

Maintenant, même les bobos parisiens n’arrêtent pas de vanter la culture française et le bien-vivre français. On le voit bien avec Schengen, l’idée de fermer les frontières…"
Pour Fabrice, "même le PS a pris conscience du problème de l’immigration. Dans les années 1980, la gauche avait créé SOS-Racisme, la Marche des Beurs, au jour d’aujourd’hui, il y aurait un mouvement pour défendre certaines pratiques religieuses, le PS ne suivrait pas". Lui-même ancien électeur de gauche, il est fasciné par le "charisme" de "Marine" qui "attire des gens de tous horizons".
C’est parce qu’"il y a eu un vrai tournant avec l’arrivée de Marine Le Pen et Florian Philippot, qui a recentré le FN, analyse Bertrand. Au lieu d’avoir un parti d’extrême droite exclusivement, on a un parti de droite forte. On est à la droite de l’UMP avec des idéaux nationaux". Pour Laurence, la preuve de l’évolution du Front national, c’est d’ailleurs l’identité même du numéro deux du parti :
Philippot, il est homosexuel, c’est déjà une grande ouverture d’esprit de Marine Le Pen parce que son père, il les aurait exterminés."
Alors Marine Le Pen à l’Elysée en 2017 ? Pour Pascal, c’est clair, "il est temps que ça change, donc 'next' ! Marine, on ne lui a jamais donné sa chance, il faut le faire pour voir ce qu’elle vaut". Lucie est plus hésitante : "C’est quand même pas un coup de poker…" Au fond de lui, Fabrice n’y croit pas vraiment :
Elle ne sera jamais au pouvoir, elle est seule contre tous, comment voulez-vous qu’elle y arrive ?"
Il en rêve quand même et espère que son éventuelle victoire aux régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie serve de "révélateur", de tremplin vers le pouvoir suprême. Alors, une fois la patronne du FN devenue chef de l’Etat, tout changerait enfin, c’est sûr.

Droit du sol, droit du sang 

Pour Lionel, elle mettrait fin à "l’immigration de confort". Elle chasserait "ceux qui viennent en France non pas par passion de l’histoire et de la culture françaises mais pour les allocations !" Fabrice est d’accord :
On voit des gens qui ne se lèvent pas le matin, qui ne bossent pas, le père, la mère, les enfants livrés à eux-mêmes, et Marine, elle sait que les Français en ont marre de financer tout ça."
"Au niveau allocs, elle va faire du tri ! résume Eric. Et puis elle supprimerait le regroupement familial, ça résorberait naturellement beaucoup de problèmes parce que les musulmans font plus d’enfants que les catholiques ou les juifs. Et elle supprimerait le droit du sol qui serait remplacé par le droit du sang comme au Maroc."
"Je peux vous dire qu’à Fréjus, ils sont très contents du FN. Si dans les villes ça marche, pourquoi ça ne marcherait pas dans les régions et encore au stade plus haut ?" - Fabrice, technicien de maintenance. (Bruno Coutier pour "l'Obs")
Surtout, la patronne du FN s’attaquerait franchement au "danger de l’islamisation" : "J’imagine François Hollande et Marine Le Pen face à une femme en burqa, lance Lionel. François Hollande, je pense qu’il aura peur, Marine Le Pen non !" Carole, émue à cette idée, redresse la tête :
Marine, elle remettra les crèches, et on ne courbera plus l’échine, ça c’est bien !"
Elle poursuit : "On nous dit qu’il ne faut pas de porc à la cantine, pas de crèche, pas de sapin. Comment j’explique à mon fils qui a 5 ans pourquoi il n’a pas de sapin de Noël à l’école ? Quand je vais au Cora, la grande surface, le directeur a été obligé de courber l’échine, on lui a fait des menaces et du coup il n’y a plus de sapin de Noël."
"Comme dit Jean-Marie Le Pen, c’est la technique du voleur chinois, commente Alban. Les musulmans arrivent petit à petit, ils avancent un peu, d’un mètre, de deux mètres, et à la fin, on ne s’en est pas rendu compte, mais ils sont au cœur de la maison. L’islamisme, c’est un peu ça. Ils virent les sapins, les crèches, ils prennent le pouvoir. C’est une question de rapport de force et de soumission." Avec Marine Le Pen présidente, donc, fini la soumission !

"On ne voit que Philippot"

Mais porter le FN à l’Elysée, est-ce vraiment sans danger ? Fabrice a de la famille dans le Var et rassure ses interlocuteurs : "Je peux vous dire qu’à Fréjus, ils sont très contents du FN. Si dans les villes ça marche, pourquoi ça ne marcherait pas dans les régions et encore au stade plus haut ?" Et puis le parti d’extrême droite peut revendiquer quelques cautions prestigieuses. Fabrice se félicite :
Quand tu vois que des grands intellectuels comme Michel Onfray disent qu’elle a de bonnes idées, ça nous conforte.

Des gens comme ça, avec un savoir extraordinaire, qui disent que tout n’est pas négatif. Comme Finkielkraut. Peut-être que Marine Le Pen pourra les attirer dans son gouvernement."
L’isolement, voilà l’un des derniers handicaps auxquels se heurte la présidente du FN aux yeux de ses nouvelles recrues. "On ne voit que Philippot, déplore Yves. Elle manque de gens compétents dans son entourage, c’est un vrai problème." Tous en pincent fort, très fort, pour la nièce qu’ils n’appellent, elle aussi, que par son prénom. "Marion me séduit beaucoup, s’enflamme Eric avec des étoiles dans les yeux. Elle a un verbe que je n’entends nulle part ailleurs, elle peut être à table avec cinq ou six ténors d’autres partis, elle va les moucher ! Cette gamine est incroyable !"
Marine Le Pen et à sa nièce Marion Maréchal-Le Pen affichent leur soutien au candidat FN Gérard Gérent à Sorgues, lors des élections municipales de 2014. (Anne-Christine Poujoulat / AFP)
"Marine enverra Marion nous représenter à l’étranger, assure Carole. Et il faudra qu’elle se rapproche de certaines grosses têtes des Républicains. Wauquiez, c’est clair qu’il va franchir le pas. Guaino non plus n’est pas insensible." Laurence regrette : 
"Il faudrait aussi que certains se calment, comme l’avocat, euh… Collard, il donne une mauvaise image, il a des propos à la Jean-Marie Le Pen ! Il casse toutes les choses positives qu’elle essaie de faire passer."
Baptiste reste circonspect : "Elle devra faire tellement de compromis que je ne sais pas si elle pourra vraiment changer les choses. Le seul problème c’est que pour le savoir, il faut l’élire."

Sortir de l'euro, "c'est débile"

Sa personnalité non plus ne chasse pas tous les doutes. "Marine", leur "Marine" à l’Elysée ? Lucie n’est pas tout à fait rassurée : "Vous ne pensez pas qu’elle est juste plus maligne que son père ? demande-t-elle aux autres. Elle est assez anesthésiante. Moi je suis tentée par elle et en même temps je m’en méfie. Elle me fait penser à un serpent. C’est une facho quelque part aussi." "Au travail, quand on en parle, plein de collègues pensent comme toi", s'inquiète Laurence.
Ils ont envie de voter pour elle, mais ils ont la trouille qu’elle joue la comédie et qu’elle mette en place un régime totalitaire."
"Economiquement, ce serait une catastrophe", glisse Lucie. Bertrand partage cette inquiétude : "Il y a beaucoup de grands économistes qui ont démontré que le programme économique du FN était une impasse. Je ne suis pas totalement convaincu que le protectionnisme à tout-va soit la solution." Pour Laurence, sortir de l’euro, "c’est débile. Il ne faut pas revenir sur les acquis. Recréer du franc, ça va coûter une fortune. C’est comme le mariage pour tous, on n’enlève pas des droits." Alban admet :
La seule critique qui tient encore, c’est l’économie. Quand on réfléchit, on se dit si ça se trouve, ils ont raison. On ne s’y connaît pas assez pour savoir."
Et puis, une autre crainte sourde imprègne l’assistance. Marine Le Pen élue présidente, n’est-ce pas la garantie de davantage de troubles ? Le chaos dans le pays. Peut-être la guerre civile. "Il y aura encore plus d’attentats", prophétise Eric. Yves voit sa championne "empêtrée dans des problèmes de grève générale, de sabotage, de manifs dans les rues. Le pays sera paralysé. Le problème, c’est les syndicats, les partis politiques, les fonctionnaires…" Pour Fabrice :
Les banlieues vont exploser et Marine ne pourra pas tenir".
"Surtout si les policiers et l’armée ne la suivent pas", s’inquiète Alban. "Au contraire, le rassure Laurence, les policiers, ils en ont marre. Ce seront les premiers à suivre !" "Tu es en train de dire que si elle arrivait au pouvoir, il y aurait une guerre civile en France, dit Bertrand d’un ton posé. C’est vrai. Alors, pour éviter d’en arriver là, il faut que Marine Le Pen se désolidarise encore plus des thèmes classiques de l’extrême droite : immigration et sécurité. Qu’elle développe plus l’économie, la diplomatie. Elle doit purger les anciens membres du GUD, les anciens de l’OAS, et faire du FN un vrai parti républicain aux thèmes forts." Une série de hochements de tête parcourt la table. Bertrand ajoute :
Si Marine Le Pen reste dans le parti de papa, antisémite, xénophobe, elle n’a aucune chance !"
Pause. La voix de son voisin, Alban, s’élève dans le silence : "Mais alors, c’est quoi la différence avec les autres ?" Yves finit par lancer :
Et puis, qu’est-ce qu’on risque à essayer ? Marine Le Pen ne va pas prendre l’armée et boucler une dictature. Si ça fonctionne pas, on manifestera et elle sera obligée de démissionner."
Il est 13h30. La psychothérapie de groupe s’achève. Les fans de "Marine" partagent quelques sandwichs et boissons avant de se quitter. Un seul, Bertrand, se tient un peu à l’écart. Au moment de s’éclipser, il confie discrètement : "Ce que j’ai entendu m’affole. C’est la vieille extrême droite raciste qui n’a pas changé. Je veux une droite forte mais républicaine. Je vais voter Dupont-Aignan, pas FN."
Les 11 autres sont soulagés. Contents d’avoir pu parler, échanger et communier en "marinisme". Entre eux. Un à un, ils repartent chez eux, la colère en tête et la peur au ventre, toujours. En attendant "Marine".
Renaud Dély et Maël Thierry

Sunday, December 6, 2015

Dans les Cieux - Holiness


Marc Trévidic, le "virus" de l'antiterrorisme dans la peau



Le juge antiterroriste a quitté ses fonctions deux mois avant les attentats de Paris. Travailleur, grande gueule, attiré par la lumière, il avait prévenu du danger imminent. Enquête sur un magistrat singulier.


Marc Trévidic, magistrat français,
le 27 novembre 2015 à Paris. (Fred Stucin pour L'Obs) 
Marc Trévidic, magistrat français, le 27 novembre 2015 à Paris. (Fred Stucin pour L'Obs)
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Le 13 novembre, comme chaque vendredi soir, Marc Trévidic a pris le TGV pour rentrer de Lille où depuis septembre, il s'occupe de divorces et de comparutions immédiates. A peine a-t-il regagné son appartement familial en région parisienne que le téléphone sonne. C'est son fils aîné de 26 ans qui l'appelle. Pour le prévenir. Pour s'inquiéter aussi. Il habite le quartier de Bastille. Il raconte à son père qu'il y a des tirs dans les rues, que sa copine est bloquée dans un restaurant du 11e arrondissement.
L'ancien juge antiterroriste comprend immédiatement que les attentats qu'il redoute autant qu'il les prédit sont en train d'être perpétrés sous les fenêtres des Parisiens. Immédiatement, il allume la télé. Les journalistes évoquent "les fusillades dans les rues, parlent d'une prise d'otages au Bataclan", se souvient Marc Trévidic :
J'ai tout de suite senti qu'il n'y aurait pas de prise d'otages mais beaucoup de morts. Les terroristes islamistes tuent le plus de monde possible dès le début de leurs attaques, ils ne négocient rien."
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La France sidérée

Le lendemain matin, les écoles de ses deux cadets de 15 et 13 ans n'ouvrent pas leurs portes. La capitale, sonnée, n'est que silence. Le téléphone du juge, lui, n'arrête pas de vibrer. Cinquante messages par heure. Quelquefois plus. Des proches, des collègues, beaucoup de journalistes, qui veulent l'inviter, s'informer auprès de l'homme qui savait… Marc Trévidic décide d'accepter les invitations, enchaîne les interviews, reste calme dans l'agitation, même quand une journaliste télé lui demande s'il prend "encore le métro". Tout juste lève-t-il les yeux au ciel, avant de poursuivre, poli mais direct :
Je n'ai pas inventé la poudre, ni l'eau chaude. Tout le monde savait que l'Etat islamique préparait quelque chose d'envergure."
La France l'écoute, sidérée.


Et puis, peu à peu, la folie médiatique s'apaise. A moins que M. le juge n'ait décidé de la fuir… Quand on le rencontre fin novembre dans une brasserie lilloise en face du tribunal, il évite de répondre au téléphone. Devant sa Grimbergen, Marc Trévidic, 50 ans, ressemble à l'homme aperçu ces derniers jours à la télé. Il est sympathique, clair, posé. Le chevalier blanc de la magistrature, pourfendeur du terrorisme, n'a ni cape ni épée. Son allure, longtemps restée juvénile malgré ses costumes sombres réglementaires, est devenue plus austère, son visage un peu plus émacié. Reste son rire, très franc, presque adolescent, qui éclate de temps à autre. Malgré la notoriété, Marc Trévidic ne se prend pas au sérieux. Il écarte même l'idée qu'on s'inquiète pour sa propre sécurité :
On pense tous qu'on est un peu immortels, non ? Et je crois en ma bonne étoile."

Ne jamais suivre les rails de l'évidence

Littéraire, nul en maths, c'est par défaut que le jeune Trévidic, qui grandit dans les Yvelines, s'inscrit en droit à la sortie du lycée. Ses parents sont cadres chez Renault. Son père est breton, plutôt de droite. Sa mère, basque, vote à gauche. Personne dans la famille n'est magistrat. L'étudiant se passionne d'emblée pour sa matière. Il prépare le concours de la magistrature quand il croise pour la première fois la route du terrorisme. La France vient d'être secouée par l'attentat de la rue de Rennes en septembre 1986. Mais son premier poste est bien loin de ces fronts brûlants de l'actualité.
En 1990, à tout juste 25 ans, il est nommé juge d'instruction à Péronne, en Picardie. L'année suivante, il commet sa première et unique erreur judiciaire connue à ce jour. Sur la base d'un témoignage et animé d'une intime conviction, il place en détention provisoire un homme accusé de viol par sa sœur, sans imaginer que celle-ci ait pu mentir.
L'affaire le bouscule. Il apprend à reconnaître qu'il peut avoir tort, et à douter de tout, à ne jamais suivre les rails de l'évidence, sans pour autant se jeter à corps perdu dans le hors-piste de la parano et du complot. Cette marque de fabrique va le suivre pendant toute sa carrière.

"Un boulot de chien"

C'est le hasard qui a plongé Marc Trévidic dans la marmite de l'antiterrorisme. Ou plus précisément un drame familial. A 31 ans, le magistrat demande un poste sur Paris de toute urgence. Son père est atteint d'un cancer foudroyant qui l'emportera en quatre mois. Après sa mort, on diagnostique une maladie incurable à sa mère. Pour rester près d'elle, le juge prend le premier poste disponible dans la capitale. Ce sera d'abord les crimes et délits. Puis rapidement le parquet antiterroriste.
J'ai commencé dans les années 2000, à une époque où tout le monde s'en fichait. On m'a donné les filières islamistes quand tous travaillaient sur les Corses, les Basques. Moi ça m'a tout de suite passionné. C'est une matière qui mêle la religion, la géopolitique, l'histoire, l'humanisme..."
Après deux petites escapades de quelques mois vers les tribunaux de La Réunion et de Nanterre, le magistrat revient à l'antiterrorisme en 2006, comme juge d'instruction. Il hérite du cabinet de Jean-Louis Bruguière et donc des plus gros dossiers de terrorisme de la fin du XXe siècle. Il récupère de vieux et volumineux dossiers : l'attentat de la rue Copernic (1980), celui de la rue des Rosiers (1982), l'explosion de l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana (1994).
Il y consacre beaucoup de temps, tard le soir, absorbe des quantités de procès-verbaux qui ne sont pas encore numérisés. Ses amis s'inquiètent, lui trouvent la mine sombre, épuisée, tourmentée. Des affaires l'obsèdent longtemps, comme celle de l'attentat du McDonald's de Quévert dans les Côtes-d'Armor, où une jeune serveuse, Laurence Turbec, trouve la mort.
Proche de Trévidic et ancienne "grande gueule" de la galerie Saint-Eloi, cette aile du palais de justice dédiée à l'antiterrorisme, Gilbert Thiel lâche :
C'est un boulot de chien qui nous place dans une rupture complète. Le métier de magistrat est déjà à part au sein de la société. Celui de juge d'instruction, plus encore. Mais juge antiterroriste, c'est vertigineux."
Le juge anti-terroriste Marc Trévidic mène son enquête dans la banlieue de Kigali, le 16 septembre 2010, sur les circonstances de l'assassinat de l'ancien président du Rwanda Juvénal Habyarimana, à l'origine du génocide en 1994. (Steve Terrill/AFP)

"Anti-juge de la raison d'Etat"

La spécificité du remplaçant de Bruguière : exploiter patiemment toutes les pistes, même (et surtout ?) celles délaissées par son prédécesseur. Est-ce pour tuer un père incarné par "l'Amiral ", comme l'analyse sans doute trop rapidement un procureur qui ne le compte pas parmi ses amis ? Avocat des familles des moines de Tibhirine, l'une des affaires instruites par Trévidic, Me Patrick Baudoin dit de lui :
Il arrive dans un dossier sans aucun préjugé, et ne tient compte d'aucune pression."
Pour expliquer la mort des sept moines trappistes tués en 1996 en Algérie, Bruguière n'avait retenu que la version officielle, celle des islamistes du GIA. Trévidic exploite l'hypothèse d'un acte commandité par les services algériens et même celle d'une bavure de l'armée.


Il récidivera dans le dossier de l'attentat de Karachi, qui avait provoqué en 2002 la mort de onze employés de la Direction des Constructions navales de Cherbourg au Pakistan. Les proches des victimes parlent tous de son humanité. Porte-parole d'une des victimes de Karachi, Sandrine Leclerc note :
La première fois qu'il est venu à Cherbourg, j'ai pensé qu'il y avait un problème, qu'il allait clore le dossier. En fait, il venait simplement nous voir. Il est le premier à l'avoir fait."
Pour l'avocat Olivier Morice, Trévidic "est un anti-juge de la raison d'Etat, le contraire de Bruguière". Marie Dosé, elle aussi avocate, confirme, et loue "sa capacité de travail et d'analyse hors norme". Une empathie également saluée par les défenseurs des djihadistes présumés. Me Léon Del Forno commente :
Il fait l'effort de parler la même langue que nos clients, il maîtrise les principaux concepts en arabe, pour désigner les mécréants, la guerre, le combat. Il n'est pas laxiste, mais il n'est pas pour autant cassant ou irrespectueux."

Porte-parole des "petits pois"

Son attirance pour les médias, si mal vue dans la magistrature ? "Je ne vois pas d'où il parle, mis à part de son nombril", persifle l'un de ses collègues. Là encore, c'est un drame qui semble avoir décidé de son sort : à l'été 2009, la présidente de l'Association française des Magistrats instructeurs (AFMI), la juge Catherine Giudicelli, meurt dans un accident de Vélib, percutée aux portes de Paris par un camion de 19 tonnes. Pour faire face au président Sarkozy, qui prévoit alors de supprimer les juges d'instruction, ces "petits pois" gênants et inutiles, Marc Trévidic est désigné comme porte-parole. Il prend le rôle à bras-le-corps.
En mars 2010, à la buvette du palais de justice, lors d'un discours pour les 200 ans de la fonction de juge d'instruction, il appelle ouvertement à la résistance contre la réforme. Le ton est moqueur mais déterminé. Ses collègues, qui ne l'avaient vu jusque-là qu'en robe ou en costume austère, le découvrent courageux, mais aussi bravache, têtu et cabot. Un an plus tard, il balance que Nicolas Sarkozy n'est qu'un "multirécidiviste" dans ses attaques envers la magistrature. Il est ravi de son bon mot.
Un haut magistrat glisse perfidement :
Il est passé de l'autre côté du miroir. Seul son narcissisme le guide."
Marc Trévidic, "bon client" pour les médias passe de plateau en plateau, accompagné à chaque fois de ses gardes du corps. Tant mieux si on lui offre des tribunes.

Heureusement qu'il y a le rock and roll

Avide de nouvelles expériences, il se lance dans l'écriture. "Il s'est révélé prolixe", dit son éditrice Karina Hocine. Trois ouvrages ont été publiés depuis 2010, dont "Terroristes. Les 7 piliers de la déraison", vendu à 40.000 exemplaires. Elle a découvert un "bourreau de travail, dans le dépassement permanent". Pour ne rien gâcher, il "joue de la guitare comme un dieu !" En décembre 2012, lors d'une fête dans la maison d'édition, une attachée de presse se met au piano, lui à la guitare. Ensemble, ils mettent le feu. Grâce à "l'Express", le juge rencontre le chanteur rock Bryan Ferry. Il flirte avec la rubrique people, ne boude pas son plaisir, conserve son quant-à-soi, mais se montre décidé à vivre.
Et heureusement qu'il y a le rock and roll. Trévidic écoute beaucoup Bob Dylan, Lou Reed ou encore Bashung, et joue de la guitare. Au Rwanda, en Algérie, au Pakistan, il ne voyage jamais sans son harmonica.
Je joue dans les chambres d'hôtel, en attendant les avions. J'essaie de faire passer ce message à mes enfants : jouez de la musique, vous ne vous ennuierez jamais. Pour moi, c'est le seul plaisir qui ne nécessite aucun effort."

L'antiterrorisme a le blues

A cette période, galerie Saint-Eloi, les occasions de rire sont rares. Des dizaines de jeunes hommes rejoignent les fronts de l'islamisme radical, Al-Qaida, puis Daech. Gilbert Thiel confie :
Quand on en parlait entre nous, on se demandait combien de temps on allait pouvoir faire face."
Cent nouveaux dossiers sont traités chaque année depuis 2013, note la chancellerie. Les moyens manquent partout. Pour demander une perquisition, les juges ont "l'impression d'être au rayon fromage d'une grande surface, chacun est obligé d'attendre avec un ticket à la main". Jusqu'à cinq mois sont nécessaires avant d'aller interpeller des membres d'un réseau pourtant identifié. L'antiterrorisme a le blues. Trévidic en particulier. Un avocat rapporte :
A la fin, il n'allait vraiment pas bien. Il était devenu parano, psychologiquement assez fragile."


L'année 2012, avec l'affaire Mohamed Merah, est le premier coup de tonnerre. Les attaques de janvier 2015 contre "Charlie Hebdo" et l'Hyper Cacher marquent une escalade dans la terreur. Cette fois, les terroristes sont plusieurs, coordonnés, entraînés et ont échappé à toute surveillance. Le garde du corps de Charb tué dans l'attentat, Franck Brinsolaro, avait protégé Marc Trévidic pendant cinq ans. Il a vu grandir les deux derniers enfants du juge. Celui-ci glisse :
Je crois que pour la première fois, ils ont compris que la balle que Franck a prise, j'aurais pu la prendre. Pour eux, ce jour-là, la menace est devenue réelle, concrète."
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Etre utile

Depuis les attentats du vendredi 13 novembre 2015, qui montrent que les terroristes ont réussi à se jouer de tout système et à le déjouer, Marc Trévidic enrage. L'antiterrorisme est un "virus" dont on ne parvient pas à se débarrasser. Il voudrait être utile. Il aimerait se faire entendre sur sa connaissance des groupes djihadistes et de leurs habitudes.
Il aimerait aussi lancer des propositions. La déradicalisation plutôt que la prison, par exemple. En avril 2014, il avait déjà écrit une proposition de loi sous la forme d'une tribune dans "le Figaro", aux côtés de l'avocat Thibault de Montbrial et du consultant Jean-Charles Brisard. Il faut un texte spécifique pour "l'entreprise terroriste individuelle", plaidaient-ils alors. Hélas, une fois encore, ils avaient vu juste. Un mois plus tard, un homme seul, Mehdi Nemmouche, s'attaquait au Musée juif de Bruxelles.
Pêle-mêle, Marc Trévidic fustige "le court-termisme" des politiques face au "problème". L'état d'urgence dans laquelle la France est plongée ne le convainc pas, tant il sait que les perquisitions administratives ne toucheront pas les vrais combattants, très organisés, et que les autres, moins dangereux, assignés à résidence, risquent de se radicaliser après avoir vu leur porte fracturée et leur boulot leur échapper.



L'écriture, l'autre "virus"

Samedi 28 novembre, Marc Trévidic sort de la séance photo qu'il a accordée à "l'Obs". Il doit se dépêcher, son fils et son épouse l'attendent près de République. Depuis son départ à Lille, il les voit encore moins qu'avant. Sa femme, qui travaille dans le domaine de la parfumerie, s'est fait une raison. Marc Trévidic constate :
Comme tout le monde, comme moi, elle est ambiguë : elle était soulagée que je parte de l'antiterrorisme, et aujourd'hui elle se dit que c'est là que je serais utile. Mes enfants aussi sont partagés. Ils sont fiers, et à la fois, ils aimeraient me voir plus."
Aucun n'a prévu de suivre le sillon paternel. L'aîné travaille au Sénat. Le cadet aimerait être footballeur professionnel. Et la petite dernière médecin légiste, ou chirurgien.
Marc Trévidic, lui, s'il n'avait pas été juge, aurait peut-être été romancier. Sa première œuvre de fiction sera publiée le 7 janvier prochain. Il en est fier. Intitulé "Ahlam", prénom féminin qui signifie "rêve" en arabe, le roman met en opposition la beauté des arts et le fanatisme religieux. Il montre également à quel point l'adolescence est un âge fragile, vulnérable face aux séductions dangereuses. Amusé, il dit :
Ce n'est pas la première fois que je m'essaie au roman, j'en ai écrit beaucoup depuis que j'ai 13 ou 14 ans, mais tous sont partis à la poubelle."
L'écriture va-t-elle aider le juge Trévidic à se débarrasser du "virus" de l'antiterrorisme ? Peu probable...
Mathieu Delahousse et Violette Lazard
(Photo : Fred Stucin)




# Un avenir à inventer

Fatigué et atteint par la limite des dix ans d'activité dans les mêmes fonctions, le juge Marc Trévidic a quitté le pôle antiterroriste en septembre dernier. En juin prochain, Laurence Le Vert, présente depuis 1986, partira à la retraite. Son poste de premier vice-président chargé de l'instruction pourrait-il revenir à Trévidic ? Une nomination court-circuitant les règles sèmerait la zizanie chez les juges.

Par principe, il n'a jamais voulu s'engager en politique. Mais "vu la crise actuelle, déclare-t-il à 'l'Obs', accepter de lutter contre le terrorisme n'est pas forcément marqué politiquement. Si on me propose de participer à des projets intelligents, bien sûr, j'accepterai. Mais je n'ai jamais rien demandé à personne, c'est ça qui fait ma force. On vit mieux comme ça."
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